Alain James, à l’origine du Mondial du Lion : “Je voulais faire un Badminton à la française”

À l’occasion des 40 ans du Mondial du Lion, nous avons rencontré Alain James, figure fondatrice de l’événement. Ancien directeur du haras du Lion et juge international de concours complet, il a imaginé, porté et ancré ce rendez-vous unique dans le paysage équestre mondial. Avec lui, retour sur la Genèse, les anecdotes et les valeurs qui font encore aujourd’hui la singularité du Mondial.

 

Alain James, vous êtes à l’origine du Mondial du Lion. Pouvez-vous revenir sur la genèse de cet événement ?

J’ai été nommé au Lion d’Angers dans les années 1970 pour organiser le déménagement du haras d’Angers, auparavant installé en ville. Une fois les installations en place ici au Lion-D’Angers, avec cette propriété de 180 hectares, l’idée de créer un concours complet s’est imposée naturellement.
On a commencé petit, puis très vite, en 1985, on a organisé notre premier grand rendez-vous : le championnat d’Europe jeunes cavaliers. L’événement a bien fonctionné et nous avons continué à développer les compétitions internationales.

À l’époque, la Fédération nous a poussés à nous démarquer des autres concours de la région. C’est là qu’est née l’idée d’un concours international dédié aux jeunes chevaux. J’ai proposé un format unique, qui est devenu ce qu’on a appelé le Critérium mondial des jeunes chevaux. Comme je voulais que cet événement s’ancre durablement ici, on a gardé l’organisation d’année en année. Le “Critérium” est devenu “le Mondial”.

 

Qu’est-ce qui faisait, selon vous, la spécificité du Mondial à ses débuts ?

Je voulais faire un Badminton à la française. Pas juste une épreuve de complet, mais une vraie fête populaire et rurale. Dès le départ, on a voulu impliquer les commerçants locaux, le village, les familles.
On organisait des baptêmes en montgolfière ou en hélicoptère, il y avait un espace pour les enfants, un vrai village d’exposants… Il fallait que tout le monde puisse y trouver sa place, pas seulement les passionnés d’équitation.

 

 

Et du côté sportif, comment a été accueillie cette nouveauté ?

Alain James lors du du Grand National du Lion-D’Angers

Avec beaucoup d’enthousiasme. Il n’existait aucun championnat du monde des jeunes chevaux en concours complet. Les cavaliers, français comme étrangers, avaient besoin de ce type d’épreuve.
On a essuyé les plâtres au début : peu d’engagés, alors on offrait les engagements à certains cavaliers stars pour les faire venir. Je me souviens qu’on allait jusqu’à leur offrir les repas !
On a même eu un sponsor improbable la première année : un fabricant de papier hygiénique ! Il nous a envoyé un camion plein… Ça fait partie des bons souvenirs.

 

Y a-t-il un moment marquant ou une anecdote que vous retenez en particulier ?

Il y en a beaucoup. Je me souviens de notre première internationale, où on n’avait même pas prévu de dossards ! On les a fabriqués au ciseau, sur du carton, avec l’aide de cavaliers anglais, dont une championne du monde Virginia Leng qui s’est mise à découper elle-même, avec son mari et son père.
Un autre souvenir marquant, c’est le moment où j’ai réussi à faire installer un dispositif de retransmission télé sur le parcours. À l’époque, on m’avait dit que c’était impossible. Mais par l’intermédiaire d’un copain, j’ai rencontré Monsieur Cousin, régisseur sur les 24 Heures du Mans. Il nous a aidés à monter un village technique, avec des câbles partout et un écran fait de 30 téléviseurs ! Ça nous a permis de proposer de vraies images aux chaînes, et donc de valoriser nos partenaires.

 

 

Comment décririez vous le Mondial en trois mots ?

Qualité, prestige et convivialité.
La qualité est toujours là, le prestige aussi, car c’est un rendez-vous international. Et la convivialité, c’est ce qui fait que les gens reviennent. Il y a toujours eu une ambiance bon enfant, avec des équipes soudées. J’ai toujours dit à mes successeurs : “La rigueur, oui, mais pas au détriment de l’esprit du Lion.”

 

 

Comment expliquez-vous que l’événement attire toujours autant de public ?

Le Lion est dans un territoire où le cheval fait partie de la culture locale. Beaucoup de familles viennent depuis 40 ans, maintenant avec leurs enfants. Il y a un vrai attachement.
Et puis on a su créer un rendez-vous accessible à tous, pas uniquement aux passionnés. Les gens viennent pour faire des achats, les enfants et familles profitent des animations. C’est ancré dans les habitudes !

 

 

Alain et l’équipe d’organisation du Mondial, années 80

En revoyant cette photo d’archive de l’équipe, qu’est-ce que cela vous évoque ?

Beaucoup de souvenirs. On y voit des visages qu’on ne croise plus, des personnes qui ont beaucoup compté. Il y avait une vraie complicité dans l’équipe. Je me souviens de cette photo prise à l’arrivée de Jean-Michel Foucher, mon successeur : on était tous réunis dans une ambiance détendue et joyeuse.
Ce qui me frappe, c’est que les gens venaient d’eux-mêmes, on n’avait pas besoin d’aller les chercher. C’était une forme de fidélité et de fierté collective. On avait instauré un esprit d’équipe très fort, fait de confiance et de bonne humeur.

 

 

Quel souhait formuleriez-vous pour les 40 ans du Mondial ?

Que le championnat du monde des jeunes chevaux reste au Lion. C’est notre ADN. Un autre concours international, aussi prestigieux soit-il, ne serait pas la même chose. Et que l’ambiance reste intacte. Tant qu’il y a du public, tant qu’il y a cette chaleur humaine, le Mondial vivra encore longtemps.

 

 

Une fidélité intacte

Alain James a quitté le Lion en 1989, mais n’a jamais cessé d’y revenir, année après année, témoin fidèle et passionné de l’évolution d’un événement qu’il a contribué à faire naître. À l’aube de ses 40 ans, le Mondial du Lion continue de conjuguer excellence sportive, ancrage local et atmosphère unique – fidèle à la vision de son fondateur.